Angoisse

Renaud Parnassus

 

 

Angoisse : il y a des jours où tu es tellement présente que je ne te sens plus. Parfois tu te fais accablante, maquillant les soleils d'ombres menaçantes. Tu es là au creux de mon corps dans l'attente du moment où tu pourrais surgir. Penser, il faut penser pour te tenir à distance. Penser c'est pourtant te nourrir, te garder. Tu prends mon corps comme une vague prend le rocher. Insaisissable tu maintiens tes griffes sur ma conscience. Longtemps tu m'as fait fou pour les esprits droits. Longtemps la douleur infâme a ravagé mon corps. Le souffle court tu m'éloignes des horizons lumineux. Des ténèbres tu surgis en invoquant la mort, la déchéance et l'oubli. Tu te fais sourde quand je t'implore de me laisser. Au contraire, ignoble caricature tu insistes ici et là-bas. Tu fais de mon présent une ruine, de mon avenir une impossible guérison. Je te sens parfois attendre le moment des désirs réprimés où tu te fais forte. Tu tombes en mon esprit tel un vautour rageur, qui ronge les chairs, les sangs et les ruines. Viens à moi folle déraison, quérir mon innocence et flétrir mes jours. Je te déteste comme je t'aime. Tu es l'unique raison qui me fait tenir debout, dans l'espoir de te terrasser. Angoisse est ton nom et je suis ton géniteur, dans la souffrance absolue je t'ai donné ce nom. Nom que je blasphème encore chaque soir, dans le réduit serré de ma gorge nouée. Angoisse je te maudis et ainsi je te donne la force, d'encore me terrasser et avec moi mon chagrin. Angoisse tu n'es qu'un nom dont on ne prononce que le cri, en s'éloignant au loin de ton sombre trépas. Mais sais-tu mon enfance, ma déchirure, que tu es multiple, que tu es Janus un visage à mille regards, le visage d'une mère.